Entretien avec Johann PRODHOMME, créateur du procédé SEDIFLOW, qui développe une activité d’entretien continu des ports pour lutter contre l’envasement.
Propos recueillis le 06/03/2013
Quels sont les principes de base de l’activité de SEDIFLOW ?
SEDIFLOW est un procédé visant à éviter l’envasement portuaire et notamment la séquestration des contaminants dans les sédiments qui se déposent au fur et à mesure dans les ports.
Par nature, les infrastructures portuaires et les flux d’eau génèrent de l’envasement, stockent des sédiments et nécessitent d’être draguées régulièrement pour les désengorger. Le dragage est une opération contraignante pour les administrations des ports à cause du coût important qu’elle génère, mais également parce qu’il engendre des problèmes environnementaux liés au stockage des sédiments récupérés et au traitement de ces sédiments. Les sédiments contiennent potentiellement de nombreux contaminants. La réglementation actuelle oblige les collectivités à contrôler ces sédiments et à tester 13 contaminants les plus connus (TBT, PCB, métaux lourds…). En réalité, les sédiments en contiennent bien davantage et le dragage entraine donc aussi une pollution « fantôme » du fait des contaminants inconnus et non testés. Les réglementations européennes à venir concernant l’impact environnemental de ces opérations risquent à terme de générer des coûts de traitement très importants et donc d’amener certaines communes à fermer leurs zones portuaires.
Le principe de base de SEDIFLOW est de remonter à l’origine des causes de l’envasement en évitant l’accumulation progressive des sédiments et le piégeage simultané des contaminants. Nous avons développé un dispositif de drainage, de pompage, et de déversement des sédiments vers le milieu naturel. Le procédé de SEDIFLOW peut alors être intégré dès la construction du port, dans l’infrastructure, ou être adapté aux ports existants, même si cette seconde possibilité nécessite le dragage du port avant la pose.
En quoi ce dispositif est-il innovant ?
L’innovation du procédé a fait l’objet d’un brevet, déposé depuis 2007. En effet, même si le principe de base est assez simple, il est plus complexe à mettre en place. SEDIFLOW repose sur un réseau de drains placés au fond du bassin qui captent les particules avant qu’elles ne forment le sédiment. En moins de 4 à 5 jours on peut renouveler totalement l’eau d’un bassin. Les particules sont captées en continu, à chaque cycle de marée, ce qui n’interrompt pas la circulation naturelle de l’eau. Pour permettre la mise en place du système, il faut à la fois connaitre les zones d’accumulation des sédiments et pouvoir piloter de manière automatisée le réseau. Ces deux points nécessitent des développements techniques qui font la particularité de SEDIFLOW. Le système de SEDIFLOW se différencie des offres existantes de dragage, qui ont une action curative plutôt que préventive.
Quelle est la genèse de votre projet ?
Je travaillais auparavant dans un bureau d’études, que j’avais créé, pour réaliser des études d’impact sur le milieu marin et j’ai étudié notamment des zones de « clapage » (zones de ré-immersion des sédiments). C’est à cette époque que j’ai pu constater l’importance des dégâts du stockage des sédiments, en particulier sur la biodiversité. Nous avons alors cherché à développer une nouvelle solution, en rupture avec les façons de procéder traditionnelles, sur le principe de l’ingénierie écologique. Il subsiste une certaine « politique du pansement » qui privilégient les méthodes curatives plutôt que d’adapter les infrastructures. SEDIFLOW apporte également un nouveau fonctionnement financier : jusqu’à maintenant, le dragage est un investissement pour les communes, alors que l’offre SEDIFLOW fait partie du budget d’entretien.
Quelles sont les prochaines étapes pour SEDIFLOW ?
Même si le brevet est déposé depuis plusieurs années, l’entreprise SEA.ING n’est pas encore créée. Nous avons trouvé la plupart de nos partenaires, notamment scientifiques et universitaires (Université de Bordeaux, de Pau et un bureau d’étude en environnement marin). Mais il nous manque actuellement un partenariat sur la partie ingénierie réseaux, un industriel de la gestion de l’eau ou des infrastructures.
Le Conseil Général des Côtes d’Armor nous a également orientés vers le port de Binic, qui a accepté de tester le procédé SEDIFLOW.
Et bien sûr, nous recherchons des financements. Nous sommes déjà en contact avec Oséo pour qui l’étape clé sera la finalisation des partenariats.
Vous êtes candidat à Crisalide, comment avez-vous connu le concours et quelles sont vos attentes ?
J’ai connu Crisalide par le Cluster Eco Origin, qui dispose d’une thématique sur l’ingénierie écologique. Mes attentes sont avant tout de faire connaître le projet, d’accroître sa notoriété et de fédérer des industriels autour du projet. Participer à Crisalide me permettra également d’intégrer un réseau de partenaires, d’industriels et de scientifiques. Cette participation me permet également d’intégrer une réelle « identité » dans le milieu portuaire assez fermé, dans lequel je souhaite faire changer les mentalités.